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  • astridseulliet

Grands groupes VS startups : le grand match de l’innovation

Sandra Di Giovanni est Responsable de l’Innovation pour AFNOR Certification. J’ai eu la chance de pouvoir l’interviewer et de discuter avec elle du match qui se joue entre les grands groupes et les startups, autour de l’innovation . Où en est-on aujourd’hui ? Interview.



Sandra, quelles sont les grandes différences entre une startup et un grand groupe ?


Les grands groupes disposent d’une assise financière et de ressources humaines importantes. Ils sont habitués à manier du process : gérer la logistique, parler à des prestataires, des clients. Cela les sert et les dessert à la fois. Dans un sens, ils sont très organisés. De l’autre, c’est parfois tellement poussé à l’extrême que ça peut entraîner des lenteurs. Ces process sont aussi liés à une organisation en silo, assez cloisonnée. En résulte une grande inertie.


La startup quant à elle, est beaucoup plus agile et souple dans son organisation. Elle est perpétuellement dans un schéma de “test & learn”. Heureusement, car la startup, dans ses débuts a en général une trésorerie limitée et doit donc pouvoir s’améliorer en continu pour trouver le bon axe de développement, la bonne stratégie. La startup a le courage de ses idées et n’hésite pas à toujours remettre en cause l’existant pour trouver de nouvelles pistes. Dans une grande structure, cela peut être plus compliqué : on devra faire face aux habitudes ancrées, aux chaînes de décision parfois très longues, aux politiques menées en interne.


Comment les startups et les grands groupes peuvent-ils collaborer ?


Les formes de collaboration sont multiples entre une startup et un grand groupe parmi lesquelles on trouve le rachat, l’incubation, le partenariat.


Si on se focalise sur l’incubation, pour moi, on revient petit à petit de ce modèle. Cela n’est plus aujourd’hui “un passage obligé”, pour aucune des deux parties.

C’est ce que vient confirmer d’ailleurs un baromètre “Innovation et Open Innovation 2020” de l’EBG réalisé auprès de 611 professionnels, dont 60% font partie de sociétés de plus de 2000 salariés : on constate une baisse de 10 points en 4 ans des relations avec les startups.

Cette collaboration entre startups et grands groupes est pourtant intéressante. Une startup peut faire gagner 9 à 12 mois sur le développement d’un projet qui aurait été fait en interne au sein d’une grande entreprise. Dans le même temps la petite structure bénéficie d’un accompagnement financier, stratégique, de locaux… en fonction de ce qui aura été négocié.


Mais attention, le faire uniquement pour suivre un effet de mode, comme ce fût parfois le cas dans le passé, serait une erreur. Je pense qu’il ne faut pas chercher à dupliquer ce qui a fonctionné ailleurs, mais porter une vraie réflexion en interne sur ses propres objectifs et évaluer tous les aspects de ce type de collaboration. Incuber une startup ne peut se faire au hasard car il existe des freins comme la différence de culture liés aux niveaux de décision, au rapport au temps, à l’argent.


Ce manque de connaissance mutuel peut représenter un vrai frein s’il n’est pas correctement appréhendé et mener à des échecs. Pour pallier cela, définir des modalités de travail claires, poser explicitement sur papier les attentes et les besoins de chacun, permettra de maximiser les chances d’un partenariat fructueux.


Autre point d’attention, incuber une startup repose sur une stratégie long terme. Le grand groupe doit alors porter attention à ne pas interférer sur la stratégie de la startup. Je le perçois vraiment comme une collaboration qui doit servir les intérêts des deux parties, avant tout basée sur la confiance.


Parfois, on a l’impression que les grands groupes n’arrivent plus à suivre le rythme… Qu’en pensez-vous ?


C’est vrai que de plus en plus de startups sont créées et tentent de disrupter des marchés établis. Aucun secteur n’y échappe : paiement, voyage, transport, mode, santé… Tout y passe ! En 2017, on recensait 9400 startups en France. On estime qu’elles seront 13000 en 2022. Et entre 2012 et 2015, leur nombre de création a bondi de 30%, dix fois plus que pour des entreprises traditionnelles.


Face à cette explosion de nouveaux concurrents, les grands acteurs peuvent parfois se sentir dépassés. Mais en général, cela ne dure qu’un temps. Je trouve que cela est en fait une belle opportunité pour les grands de se remettre en question et de trouver des axes d’innovation, de capter de nouvelles tendances. Et l’avantage, c’est qu’ils ont des moyens derrière ! Il y a encore une dizaine d’années, il n’existait pas autant de Directions de l’Innovation. Maintenant, c’est presque un incontournable : un tiers des entreprises françaises sont dotées d’une direction de l’innovation autonome.


Pour moi, là où il y a le plus de risque, c’est pour les entreprises de taille intermédiaire ou bien pour les marques dont l’identité n’est pas assez forte. Par exemple, l’arrivée d’Uber a rebattu les cartes en France. G7 a dû abandonner sa marque Taxis Bleus. Entre 2014 et 2016, le chiffre d’affaires de la marque avait diminué de 10 à 20%. Autre exemple, la concurrence subie par les hôteliers de la part d’Airbnb. Les grands groupes peuvent aisément tenir le choc, mais pour les plus modestes, c’est tout de suite plus compliqué.


Le point d’attention à avoir est que ces nouvelles offres ne soient pas juste un vernis sur la complexité habituelle de ces grandes maisons. Il ne faut surtout pas que ce soit juste du marketing ! La capacité d’exécution et la remise en question des process habituels en interne sont primordiales pour faire la différence.


Merci Sandra !


 

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